Maroc

10/09/14 مرحبا بكم في المغرب! ( ! Bienvenue au Maroc) 


Nous sommes arrivées au Maroc il y a deux jours et déjà, c'est le grand dépaysement !

Après ces quelques jours passés à Séville, nous avons continué notre route vers Algeciras d'où partent la majorité des bateaux qui traversent Gibraltar. En chemin, nous nous dévions d'une bonne trentaine de kilomètres pour rendre visite à une entreprise spécialisée dans les noyaux d'olives avec qui nous avions pris contact auparavant. Une fois sur place, notre interlocuteur nous fait faux bon. Un peu déçues, nous continuons notre route.
La carte Michelin de l'Andalousie nous joue des tours et n'indique parfois que l'autoroute. Grâce à Albert, rencontré à Barcelone au mois de juin, nous trouvons d'autres routes plus tranquilles pas non plus indiquées par google maps. Les paysages du sud de l'Andalousie sont magnifiques ce qui nous fait un peu oublier les montées !

Pour planter la tente, c'est plus difficile... Dans cette région, les gens sont assez méfiants vis à vis des étrangers. Nous leur faisons bien comprendre qu'à vélo, on ne risque pas de leur voler beaucoup de matériel agricole, on nous rétorque : "Vous avez beau être deux jeunes filles à vélo d'apparence parfaitement inoffensive, la nuit, vingt personnes peuvent rappliquer avec des camionnettes !" Nous obtempérons  et le laissons prendre en photo le passeport de Lucia.

Rocher de Gibraltar
A notre arrivée à Algeciras, nous pique niquons dans le port avec vue sur l'immense rocher de Gibraltar qui surplombe la baie de ses quatre cents mètres de hauteur. La traversée en ferry ne nous prend qu'une petite heure et nous mettons les pieds à Ceuta. Étrange petit bout de terre espagnol entouré par le Maroc. S'y côtoient un mélange d'Espagnols et de Marocains assez étonnant. La muraille qui entoure la ville est une preuve de son passé turbulent de ville convoitée par de nombreux peuples à la fois. Nous y passons une nuit afin de traverser la frontière tranquillement le matin.
Piste cyclable entre Ceuta et Tetouan
Longue montée vers Chefchaouen
La frontière comme toutes les frontières est un lieu un peu turbulent, quelques vendeurs de haschisch mais sans plus. Nous n'attendons presque pas, juste les douaniers qui regardent avec surprise le passeport de Lucia.
Premiers kilomètres au Maroc et nos préjugés s'envolent. Nous redoutions la nationale deux fois deux voies avec terre plein central entre Ceuta et Tétouan, mais nous sommes agréablement surprises par... une bande cyclable tout à fait correcte continue entre les deux villes !




Tout le monde nous avait parlé des camions et des taxis, mais en tant que bonnes pratiquantes du vélo urbain à Lyon et à Tucuman, les villes du Maroc ne nous ne paraissent pas redoutables...

Entre Tétouan et Chefchaouen, les conducteurs nous klaxonnent pour nous encourager. La route est peuplée de petits commerces d'oignons, de figues, de prunes et les gens nous saluent tous les cinquante mètres. Nous entamons la grande montée (puis descente, puis remontée !) vers Chefchaouen.





Partout, nous sommes fascinées par les inscriptions en Arabe et je passe mon temps à déchiffrer et mine de rien, avec mon peu d'arabe, je ne m'en sors pas trop mal ! Par contre, comprendre ce que disent les gens, c'est une autre affaire...

Dans les grandes villes, nous trouvons sans problèmes des interlocuteurs en français, dans les villages, c'est plus approximatif, mais l'on arrive toujours à se faire comprendre.




Le long du chemin, nous goûtons à l'hospitalité marocaine : mortes de soif, nous nous arrêtons boire 2 litres de Fanta. Tout de suite, un policier s'approche pour discuter. Après lui avoir expliqué sommairement le projet, il revient avec une assiette pleine de pâtisseries marocaines ! Il nous conseille même de demander à planter la tente près d'un restaurent à une dizaine de kilomètres. (Nous suivrons ses conseils !)

Petit déjeuner...
A Chefchaouen, nous sommes accueillies par Abdelghani et sa femme. Abdelghani travaille dans l'association AFTHA (Association Fondation pour l'Humain Terroirs et Alternatives). L'association soutient de nombreux projets depuis 1999, notamment un projet  de four à gaz à meilleur rendement (50% supérieur aux fours classiques) et un projet de valorisation de la pratique de la taille des arbres fruitiers, peu réalisée par les agriculteurs,
la taille permettrait d'améliorer les récoltes et d'utiliser le bois de taille et non pas le bois forestier en tant que chauffage.

Chefchaouen, la ville bleue














Nous sommes ravies de cette rencontre et en profitons pour leur poser mille questions à lui et à sa femme sur l'histoire du Maroc, sur les femmes, sur le mariage, sur l'Arabe, sur l'islam, sur le voile, sur l'école et tant d'autres... Nous resterons avec eux pendant encore quatre jours dans le but de réaliser plusieurs vidéos sur leurs actions afin de les aider à sensibiliser la population locale et à la recherche de fond. Si tout va bien, vous pourrez voir les premières vidéos d'ici peu !





Les bras ouverts 20/09/14



Avec nos amies boulangères !


En six jours passés en compagnie de nos hôtes à Chefchaouen puis à Brikcha, nous nous faisons un avis plus précis de la culture marocaine. Abdelghani nous fait découvrir la magnifique ville bleue de Chefchaouen peinte ainsi par tous ses habitants plusieurs fois par an initialement pour reposer l'oeuil de la lumière du soleil (une des explications...).

Dans l'objectif de réaliser plusieurs courts métrages de leur association, ils nous emmènent filmer toutes leurs actions :
Nous allons dans plusieurs villages isolés dans les montagnes pour rencontrer des femmes spécialistes dans la fabrication du pain qui utilisent le four à gaz amélioré de l'association. Tout de suite, nous sommes intégrées dans les familles et passons de très bons moments à filmer et  à apprendre leurs techniques.

Équipe agro-écologie 
Rencontre également de toutes la chaîne de l'agro-écologie : rencontre avec les agriculteurs de montagne au souk en train de vendre leurs produits. Tous nous parlent de leur gros problème de transport : la plupart vivent et cultivent des parcelles très éloignées de la route. Comme peu possèdent des voitures , ils doivent parfois marcher pendant des heures avec toutes leurs récoltes pour avant d'arriver au souk. Nous sommes également étonnées de voir au souk des grands mères venues vendre quatre aubergines, trois grappes d'oignons et deux seaux d'olives à tout casser !

Nous interviewons également plusieurs restaurateurs engagés à acheter une certaine quantité de produits issus de parcelles agro écologiques. Chaque interview est l'occasion de boire un thé à la menthe ou de boire une soupe. Avec le thé, on nous offre du pain, du miel, du lait fermenté, des biscuits, etc...
Tajine

Toujours, nous avons de très bons contacts avec les gens malgré la barrière de la langue. La plupart des interview sont en arabe, ce qui nous donne beaucoup de travail de traduction ensuite...

Siam, la femme d'Abdelghani nous fait goûter toutes les spécialités marocaines : crèpes marocaines, pain, tajines, poisson, sardines, couscous, etc...

Nos hôtes nous font également goûter le fruit du cactus, en français figue de barbarie. Du coup, comme une vraie touriste, je me mets dans la tête d'en cueillir au bord de la route. Je cueille la première et déjà, je me retrouve avec des centaines de petites épines dans les doigts qui se cassent quand on essaye de les enlever !

Figue de barbarie

Lundi, nous sommes tout de même contentes de reprendre la route. Au Maroc, il faut savoir rouler avec une seule main, partout les gens nous saluent et nous demandent parfois de nous arrêter. Il faut dire qu'il y a du monde partout sur les routes. On regrette de ne pas bien parler arabe, mais cela n'empêche pas de bien rigoler !
Amies du bord de la route


L'âne, le moteur du Maroc


Pour ce qui est de la mobilité par ici, pas besoin de convaincre les gens de faire du covoiturage ! Le maximum de passagers autorisé dans un taxi est de seulement 6 personnes. Beaucoup de gens n'ont pas de voiture mais toutes les familles ou presque ont au moins un âne. Pour ce qui est des camions, leurs chargement est impressionnant.







Niveau forme physique, on enchaîne un peu le mal de ventre et nous sommes parfois obligées de ralentir un peu le rythme.

Nous passons un peu rapidement à Moulay Idriss, grand lieu de pèlerinage marocain et Meknes, une des trois villes impériales du Maroc car nous sommes invitées à un mariage franco-marocain à Rabat.






Thé vert à la menthe

Tous les soirs, nous sommes invitées chez des gens. Grande leçon d'hospitalité marocaine. Nous nous arrêtons assez tôt le soir, demandons où nous pouvons planter la tente et terminons chez les gens. Une des premières questions est de savoir si nous sommes mariées. Bizarrement, une fois que les gens savent que Lucia est argentine, elle a nettement moins de succès... Pour les françaises en recherche de mari, venez au Maroc et vous en trouverez un en quelques jours !



Le dernier jour avant Rabat, nous nous faisons même inviter pour le repas de midi. Par hasard, sur le bord de la route, un homme nous invite chez lui dans le prochain village à 10 kilomètres. Une fois arrivées, la famille dont nous sommes les premières invitées étrangères, nous invite à nous laver en nous sortant une paire de serviettes neuves. Ils nous invitent ensuite à table, défilé de plats marocains. Difficile de repartir pour les 50 derniers kilomètres...
Chez Driss et sa famille

A Rabat, nous logeons chez Karine, grande amie de Laurent et Bibeth (oncle et tante de Maylis), expat à Rabat depuis deux ans. Ses deux enfants suivent leurs études dans une école et lycée français à deux pas de la maison. Derrière le jardin s'étend l'immense garage vitré des 150 voitures du roi.

Deux soirs de suite, nous allons au mariage de Joanne (nièce de Bibeth) et de Driss originaire de Rabat. La première soirée est organisée chez les parents de Driss. Magnifique soirée traditionnelle, danses et musique marocaines, buffet de tajines et autres plats typiques. Le lendemain, soirée à thème : années 30 à Rabat.

Nous profitons de notre arrêt à la capitale pour faire un tour à l'ambassade de la Mauritanie pour demander notre visa. A priori, il était également possible de le faire à la frontière, mais comme ça se sera fait ! 340 dirhams chacune, deux photos d'identités et c'est joué !
Joanne la mariée !



Nous resterons encore deux jours à Rabat en compagnie de la famille avant de faire route vers le sud. Nous passerons également la barre des 3000km la semaine prochaine, soit prêt d'un quart du trajet vers Tucuman !








Le long de la côte atlantique ! 01/10/14  (3500km)



Sur la côte atlantique



Voilà déjà près d'une semaine et 600 km que nous avons quitté Rabat en longeant la côte atlantique. Nous redoutions un peu les hordes de touristes ce qui n'est pas du tout le cas.


La route entre Rabat et Casa n'est pas aussi horrible que l'on nous l'avait décrite. A droite comme à gauche, un paysage de promoteurs immobiliers, de grands panneaux avec des têtes de familles européennes parfaites nous incitant à "investir dans notre bonheur à prix modeste" en achetant une villa avec vue sur la mer ! La plupart des chantiers ne sont pas encore commencés, seront ils un jour terminés ?




Casablanca




A Casa, nous passons la nuit chez nos premiers Warmshowers marocains. Il s'agit de Thomas et Jamila, un couple mixte un peu atypique ! Dans la plupart des couples mixtes croisés jusqu'alors, l'homme était marocain et la femme française.





Dans la famille de Jamila et Thomas

Jamila nous fait découvrir une autre facette de la femme marocaine : hyper extravertie, indépendante et pas du tout conservatrice ! Jamila est gauchère et ne se laisse pas marcher sur les pieds par ceux qui lui disent que ça ne se fait pas... Manger de la main gauche est très mal vu au Maroc de par le fait que la main gauche est originellement la main utilisée pour aller aux toilettes. Conversations, fou rires et jeux avec leur charmant petit garçon Adel pendant toute la soirée !



Mosquée Hassan II


La religion musulmane en pleine croissance

Durant notre bref passage à Casa, nous allons également admirer la grande mosquée Hassan II, plus grande mosquée du Maroc (pouvant accueillir jusqu'à 25 000 fidèles pour la prière). Dominant Casablanca, on l'a aperçue une vingtaine de kilomètres avant d'arriver. Son architecture est assez simple mais le résultat est grandiose. Sa construction est cependant controversée : tous les Marocains ont étés obligés de payer de leur poche à des collecteurs de fonds...

Après Casa, la route côtière devient plus étroite et les promoteurs immobiliers ne sont pas encore arrivés. L'après midi, on décide de jouer la technique "Station Service" : on s'arrête tôt, on prend un thé, on fait mille et une choses sur notre table de café et on demande ensuite si on peut planter la tente, résultat assuré !



Super couscous !




Le vendredi midi est le jour du couscous : pour 3 euros 50, nous dégustons un énorme plat dans un petit restaurent. Las autres repas du midi sont un peu moins classe... En effet, on adore la nourriture marocaine, mais pour pique niquer, ça n'est pas le top. Problème numéro 1 : les marocains n'ont pas de fromage. Cela s'appelle "La hollandaise", "Coeur de lait" ou encore "Vache qui rit", mais on s'en lasse vite. Nous appelons donc les producteurs de fromage de chèvres à aller s'installer au Maroc !










Problème numéro 2, les gâteaux artisanaux marocains sont souvent très bons, mais les gâteaux industriels sont une calamité : la photo sur l'emballage te présente un beau cookie, et en ouvrant le paquet, on découvre un vulgaire sablé sans un seul gramme de chocolat. Un étranger non averti peut également se faire complètement avoir par une belle étiquette de "pur miel 100%" et en retournant le pot, marqué en police 6.5 : origine Chine ! Problème numéro 3 : l'eau a un goût très très mauvais. Option numéro 1 : acheter de l'eau minérale, mais c'est du luxe. Option numéro 2 : acheter du jus de fruit ou du soda, ce qui nous amène au Problème numéro 4 : les jus de fruit ne contenant en moyenne qu'entre 10 et 30% de fruit, le résultat est un peu piteux. Nous avons pourtant essayé tous les jus de fruits et sodas marocains, la seule solution provisoire que nous avons trouvée est d'acheter du jus en poudre. Pas top, mais ça fait passer le goût...


Pour continuer avec les trucs pas cool, parfois sur la route, certains enfants voire ados nous lancent des pierres. Ce genre d'attitude assez imprévisible n'arrive pas très souvent mais nous refroidit un peu. A côté de cela, nous continuons de nous faire inviter très souvent dans des familles comme un soir en arrivant dans un petit bled. N'ayant pas croisé de station service, nous nous arrêtons dans un café pour demander un endroit pour dormir. Personne ne parle français, mais nous arrivons quand même à nous faire comprendre. Un client du café finit par nous inviter chez lui et nous emmène dans sa maison très modeste. Nous mangeons avec les femmes et les enfants. Les hommes rentrent tard, ils travaillent sur la plage au ramassage des algues rouges qui seront ensuite envoyées en Chine ou en Corée pour être utilisées dans les cosmétiques (vous voyez qu'on comprend quand même des trucs !). Nous partons tôt le matin après avoir petit déjeuné et bu le thé avec nos hôtes. Nous partirons sans même savoir leurs prénoms. Cela arriverait-il en France ?
Avec nos hôtes d'un soir

Nous nous arrêtons une journée à Oualidia, petite ville côtière peu touristique et en profitons pour faire un point sur notre itinéraire. Après l’assassinat du français en Algérie, la famille, les amis (et nous !) se font un peu du soucis. Difficile de faire la part des choses entre les marocains qui nous disent de ne pas aller plus au sud qu'Agadir et ceux qui nous affirment que ni au Sahara Occidental ni en Mauritanie nous n'aurons de problèmes. Nous envisageons éventuellement de prendre un bus ou un bateau dès notre passage en Mauritanie...
Lagune de Oualidia

Plage de Oualidia
Nous profitons également de la plage magnifique, Lucia prend des photos et Maylis tente le kayak-surf dans les vagues non sans impressionner tous les surfeurs locaux ;-)

Les jours suivants, nous profitons d'un bon vent dans le dos pour faire de grosses journées de vélo. Sur la route, nous croisons plusieurs foires aux moutons. Chaque famille se prépare pour la fête de l'Aïd qui aura lieu ce week end. Le trafic de moutons est intense : dans le coffre des taxis ou sur les calèches à cheval, une chose est sûre : on les entend râler !
Un des premiers dromadaires





Au fur et à mesure de notre avancée vers le sud, les villages se font plus rares et déjà le paysage change : nous apercevons nos premières dunes de sable et nos premiers dromadaires, au grand plaisir de Lucia qui y voit ses lamas locaux !

Nous passons dans plusieurs grandes villes de pêche comme le port de Safi : un des plus grands ports de phosphate et de sardines au monde. La même journée, le vent nous pousse 30 km plus loin et à défaut de terminer au camping qui n'existe que sur le panneau; on croise une mamie française habitant dans le village depuis déjà 11 ans. Tout de suite, elle appelle un de ses amis en lui expliquant la situation. En 5 minutes, la femme de ce dernier nous ouvre la porte d'une de leurs maisons de location, le luxe suprême !
Port de Essaouira

Et nous voilà rendues à Essaouira, très jolie petite ville côtière dont nous ne nous lassons pas d'arpenter les rues de la médina. Nous logeons dans une petite auberge de jeunesse. En bonus, une projection est prévue ce soir dans l'auberge !







Entrée de la médina de Essaouira
Plus de photos de Oualidia :







Traversée de la frontière en pointillés 15/10/14 (4300 km)



Que de changements depuis notre dernier post à Essaouira !

A notre départ, une épaisse brume enveloppe la ville mais cela fait quand même plaisir de remonter en selle. Quelques kilomètres plus loin, nous rencontrons des arbres d'une nature très étrange : des arbres à chèvres ! N'ayant pas grand chose à manger au sol, ces dernières préfèrent bien souvent escalader aux arbres pour brouter les feuilles parfois jusqu'à trois ou quatre mètres de hauteur ! Nous continuerons à voir ces mêmes arbres pendant quelques jours.

Sur la route, nous rencontrons encore plus d'activité que la semaine dernière : des moutons de toutes part, même sur les ânes et les mobylettes. Tout le monde achève les préparatifs pour la fête de l'Aid.

Le jour même de la fête, calme plat jusqu'à 9h, étrange de ne croiser personne dans les rues. La moitié de la population de moutons de l'intégralité du monde musulman pousse son dernier soupir. Une minute de silence. A onze heure, on commence à sentir la fumée des méchouis. Certains sortent avec des charrettes pleines de peaux de moutons, les têtes sont grillées en ligne sur le trottoir.

Le soir, nous sommes invitées dans une famille qui nous sert des brochettes et des tripes. Là encore, personne ne parle français et nous passons la soirée à jouer avec une petite fille de deux ans très mignonne. On se rend compte que ses parents ont en fait notre âge et sont mariés depuis 3 ans, chose courante dans la région.

La veille, nous avions également été invitées dans une famille. Au début, la femme de la famille n'est pas rassurée et pour la première fois, on nous demande de planter la tente dans le jardin. Une de ses filles est très curieuse : elle nous aide à planter la tente, nous lui montrons l'album photo que nous avons emporté. Quand Lucia commence à jouer de la guitare, la moitié de la famille nous rejoint. La nuit tombe et nous hésitons à sortir le cin'énergie. Alors que nous installons tout le dispositif, tout le monde s'interroge et se demande ce que l'on fait mais dès que le projecteur s'allume, c'est l'euphorie générale ! Toutes la famille pédale à tour de rôle. L'unique problème est que nous manquons de vidéos en arabe marocain. Nous constituerons par la suite un dossier de films muets. Nous projetons donc de la musique, des photos familiales au grand plaisir de tous.

Après la séance de cinéma, on nous oblige à démonter la tente et à nous installer à l'intérieur. On nous apporte ensuite des papiers de famille. Nous finissons par comprendre qu'ils nous demandent notre aide pour la pension de la grand mère dont le défunt mari travaillait dans l'armée française. La liste de papiers à fournir est longue comme un bras mais nous finissons par élucider le problème : la grand mère s'est mariée après la retraite militaire du mari et n'a donc pas le droit à la pension : dur dur de faire comprendre ça à la famille qui ne parle pas français, n'a pas de boite aux lettres et essaye de se dépatouiller avec les papiers depuis 30 ans…
 
Les abords d'Agadir sont un peu moins propices pour planter la tente. On galère vraiment pour trouver un coin sur la côte entre les résidences, les camping 4*, les villas, la plage trop visible d'un côté et les falaises de l'autre. A la tombée de la nuit, on finit par demander à planter à côté d'un couple de retraités français venus passer l'hiver en camping car au Maroc.


Nous passons vite à Agadir car de toutes manières tout est fermé à cause de l'Aid et nous dirigeons vers Tiznit puis Sidi Ifni, petite ville portuaire. Pour cela, il nous faut traverser la fin de la chaîne de l'Atlas. Nous enchainons montées et descentes pendant plusieurs jours avec des paysages fabuleux.

Guelmim est la dernière ville avant que les distances entre les villages ne se rallongent. A partir de maintenant, nous ne croiserons de villages que tous les 50 à 100 kilomètres, nous partons donc systématiquement avec une bonne dizaine de litres d'eau. Ici, l'eau courante est très souvent coupée et tous les habitants se doivent d'être attentifs pour remplir de grands bidons quand l'eau revient.

Le paysage n'est pas exactement comme nous l'imaginions : même si nous croisons quelques dunes ça et là, nous passons des heures à pédaler à travers des champs d'épineux éparses, peuplés de dromadaires. Par contre, l'avantage c'est que c'est bien plat et le vent est souvent de dos, ce qui nous permet d'atteindre des moyennes de 25km/h (pas toute la journée non plus !) et de faire une bonne centaine de kilomètres par jour.

M'borek



Nous passons notre première nuit en compagnie de M'borek, gardien de nuit d'un terrain de l'entreprise Cegelec. Nous jouons aux dames et rigolons bien malgré la barrière de la langue. Le soir, nous l' invitons lui et son ami à manger. Erreur fatale : nous cuisinons du couscous. Manque de chance, le nouveau couscous que nous avons acheté est un désastre, une insulte au couscous marocain. Même les petits légumes que nous avons cuisinés à la poêle ne semblent pas les convaincre. M'borek jette tout aux chiens et même eux n'en veulent pas. La prochaine fois, on fera du riz !







Avec Med à Tan Tan

A Tan tan, nous passons deux nuits chez Med, couch-surfer originaire du nord du Maroc venu travailler en tant que professeur dans la région. Ayant vécu de nombreuses années en Espagne, Med a du mal à s'adapter au traditionalisme du sud marocain. Deux soirées sympas à discuter en espagnol.




















La nuit suivante, nous nous arrêtons dans un campement de pêcheurs et passons la soirée avec Bahi. Magnifique rencontre qui nous ouvre les yeux sur beaucoup de choses : tout d'abord, Bahi nous raconte que toute sa famille vit à Tindouf en Algérie où sont réfugiés les Sahraouis partisans du Polisario depuis déjà plus de 30 ans. En effet, tout le sahara occidental était occupé par les Espagnols jusqu'aux années 70. Les Marocains ont ensuite organisé une "marche verte" pour de sahraouis auraient bien aimé en profiter pour obtenir l'indépendance de leur pays. D'où l'existence de l'unique frontière en pointillés sur la carte du monde. Ce conflit n'est pas facile à résla récupération du sahara occidental. Mais tout le monde n'était pas d'accord, beaucoup umer mais par chance, Bahi a étudié pendant de longues années à Cuba (pays qui aide les réfugiés de Tindouf en scolarisant beaucoup d'enfants à Cuba), ce qui facilite la communication. Bahi a ensuite quitté Tindouf pour devenir pêcheur sur la côte. Le soir, nous organisons même une projection sur la toile de sa tente !
Autre spécificité du sahara occidental ce sont ses policiers : nous passons au moins une heure par jour dans des barrages de police (environ tous les 40km). Jamais méchants, les policiers aiment noter toutes les informations de nos passeports et savoir exactement où l'on dort. Ils vont même jusqu'à appeler nos contacts pour leur demander leur numéro d'identité. Le soir, ils n'hésitent pas à faire plusieurs dizaines de kilomètres pour venir voir si nous sommes bien installées, et tout ça "pour notre sécurité" !



Et nous voilà déjà à Laayoune, dans le petit appartement vide de Bahi dont un de ses amis nous a prêté les clés, invité à boire le thé avec tous les Sahraouis de la ville ! Projection ce soir dans un centre socio sportif auprès des jeunes footballeurs du coin !



Avec la bande de saharaouis de Laayoune

Après une journée passée à Laayoune, nous quittons nos amis Saharaouis qui ont terminé notre soirée en beauté en nous amenant un super repas.


On gonfle les pneus et c'est reparti ! Quelques kilomètres après la sortie de Laayoune, nous croisons un grand tapis roulant. Nous nous demandions depuis un moment de quoi s'agissait ce grand trait de plus de 130km sur la carte et ce n'est autre qu'un énorme tapis roulant qui amène le phosphate entre une mine de l'intérieur et la mer. Le dispositif est gardé par des vigiles tous les 500 mètres.

Lucia et notre ami pêcheur
Après 110km, nous arrivons au premier village Lemsid, qui s'articule autour d'une station service. Nous pensons rester dormir ici quand un pêcheur nous invite dans son village à une quinzaine de kilomètres. Bien que fatiguées, nous finissons par accepter. Nous reprenons les vélos mais il nous rattrape quelques kilomètres plus loin et nous chargeons tout dans la voiture. Au total : 5 pêcheurs, nous 2, les vélos et un fatras de cannes à pêches ! La nuit tombe quand nous arrivons chez lui, il nous prépare à manger sur fond de radio espagnole captée grâce aux îles canaries non loin de là. Il nous explique qu'il a essayé à 4 reprises de traverser le détroit de Gibraltar sur un petit bateau de pêche mais s'est toujours fait repéré par les gardes côtes et renvoyé au Maroc, "Je cherche donc une femme à marier, mais pas une femme d'ici, une femme européenne"... Comme ça ne faisait pas partie de nos plans, nous partons tôt le lendemain matin avec la tête pleine de questions : pourquoi maintenir une frontière si fermée si c'est pour en arriver là ? S'il était possible de passer plus facilement, les migrants se rendraient peut être compte que l'Europe n'est pas le paradis et auraient moins peur de revenir au pays... Pourquoi est il gratuit pour nous d'entrer au Maroc alors que les marocains ont besoin de visa, d'une invitation et d'une somme astronomique sur leur compte en banque pour espérer mettre les pieds chez nous ?


Grâce au vent arrière, nous arrivons tôt à Boujdour où nous sommes accueillies chez Mohammed et sa famille que nous avons connu grâce à Couch surfing. Nous sommes reçues comme des reines : comme nous arrivons un vendredi, on nous attend avec un énorme couscous orné de la tête du mouton de l'aïd, une pièce de choix. Nous mangeons avec les femmes et les filles, les hommes mangent dans une chambre séparée.


Projection au Lycée
Mohammed est proviseur adjoint dans le lycée attenant à la maison. Grâce à lui, nous organisons une projection du cin'énergie le lendemain. Nous intervenons dans une classe de terminale scientifique. Les élèves sont ravis et très enthousiastes pour pédaler ! Nous terminons l'intervention par un grand débat sur l'énergie.
Mohammed et ses caligraphies










L'après midi, nous faisons un tour en ville avant d'aller chez les voisins où nous sommes invitées pour le goûter : crèpes et  gâteaux à volonté !

Les voisines de Boujdour
Au sahara,  les femmes de bon poids sont très bien vues. Avant de se marier, la plupart des jeunes filles s'engraissent donc pour le plaisir des yeux, allant même parfois à prendre des médicaments pour grossir ! Difficile pour nous de se l'imaginer alors qu'en France certaines prennent des médicaments pour mincir !

Avant de quitter Boujdour, nous faisons le plein de fruits et légumes. Précaution utile car nous n'en trouverons pas durant 3 jours:

Chèvre de garde








Le lendemain, nous partons à l'aube dans le but de rejoindre le prochain village à 145km. Mais le vent en a décidé autrement et nous fait peiner toute la journée. Nous décidons donc de nous arrêter près de tentes de saharaouis.Nous sommes accueillies par une chèvre qui se prend pour un chien de garde et nous bêle dessus jusqu'à ce que ses maîtres arrivent.

Salma
La grand mère de la famille nous aide à planter la tente qui fait grande impression et nous invite ensuite dans la sienne pour prendre le thé. La gendarmerie qui nous attendait plus loin part à notre rencontre et nous pose mille questions en plus des questions habituelles : quel est le nom de votre père ? Il y a combien de temps avez vous passé votre bac ? Quelle est la marque de votre vélo ? Ils consignent tout ça sur leur petit papier.



Après cet interrogatoire, nous passons du temps avec la famille : la grand mère est très drôle et parle quelques mots d'espagnol appris du temps de l'occupation espagnole. Les trois filles ont à peu près notre âge et ne sont pas mariées, une première ! Belle projection sur leur tente à la nuit tombante. La grand mère est ravie et nous répète cinima zouina zouina ! (très très beau le cinéma !). Cette famille continuera à nous appeler tous les soirs jusqu'à notre passage en Mauritanie. Tour à tour ils nous demandent comment ça va et où est ce qu'on est et la conversation s'arrête là !

Depuis que nous avons installé un petit drapeau argentin derrière son vélo, Lucia sera dénommée Messi par tous les gendarmes du sahara.
Projection en famille
Thé Saharaoui

Le paysage du sahara occidental est marqué par des antennes de Maroc télécom que nous repérons de loin. Presque toutes sont habitées par un gardien. Un bon plan pour se fournir en eau. Les antennes sont également notre seul point d'ombre, quand nous n'en trouvons pas, nous sommes obligées de nous abriter à l'ombre de nos vélos.

La vie des stations service
Nous décidons de ne pas faire le détour de 80km pour aller à la ville de Dakhla et continuons notre route vers la frontière. Jusqu'à la Mauritanie, la zone est minée: On nous met en garde, tant mieux parce que les panneaux qui indiquent les mines sont rendus illisibles par la rouille.

Entre Dakhla et la frontière, nous dormons le plus souvent dans la mosquée des stations service. Les distances sont parfois très longues : jusqu'à 158km entre deux stations.



Pic nic avec les gendarmes
Mais nous sommes toujours aidées par nos amis gendarmes : sur plusieurs tronçons, nous sommes même escortées par une voiture qui reste une cinquantaine de mètres derrière nous, ce qui est parfois gênant (impossibilité totale d'aller aux toilettes pour la journée !). Mais l'escorte des gendarmes a aussi ses avantages : ils nous préparent le pic nic, nous ravitaillent en eau fraîche et quitte à ce qu'ils nous suivent, autant leur laisser porter nos sacoches ! Le soir, la plupart du temps, ils ont fait le nécessaire pour que l'on puisse dormir dans la mosquée et une fois, ils nous emmènent même prendre une douche dans des sources d'eau chaude, le luxe suprême !

Un jour, nous sommes surprises de croiser un panneau nous indiquant le tropique du Concer !


Seul point négatif de cette traversée du Sahara occidental, c'est la carte michelin à qui nous ne faisons plus trop confiance (nous continuerons sans carte en Mauritanie). En effet, après Dakhla, les distances sont fausses à 30km près, les villages quand ils sont notés n'ont pas le bon nom, etc... Mieux vaut se fier aux bornes kilométriques.