Mauritanie

Arrivée en Mauritanie ! 30/10/14 (5700km)



La frontière entre le Maroc et la Mauritanie porte bien son nom de No Man's land. Après avoir attendu une bonne heure du côté marocain, nous traversons les 5km pour rejoindre le poste de frontière mauritanien. 5km de paysage apocalyptique, pas de route,  voitures et camions se débrouillent comme ils peuvent pour ne pas s'enliser dans le sable et nous, à vélo nous sommes plutôt rapides ! La zone est jonchée de voitures défoncées de champs de téléviseurs arrivés là on ne sait trop comment...

Ces kilomètres de sahara occidental nous ont quand même bien fatiguées et décidons de faire une petite pause à Nouadhibou. C'est pour nous l'occasion de changer de l'argent et de nous habituer à notre nouvelle monnaie : les Ouguyas. La vie nous semble chère (payer en milliers d'ougayas n'aide pas). Comme le pays ne dispose que de très peu d'industrie, la plupart des aliments sont importés de l'étranger et le prix est en conséquence. Nous nous habituons donc à manger des fruits espagnols, des bonbons argentins, des yaourts marocains, les incontournables vache qui rit françaises et quand on ne trouve pas de fruits frais, des ananas en boîte de Thaïlande !

A Nouadhibou, nous partons à la recherche d'un bateau qui pourrait nous amener à Nouakchott. Nous ne trouvons au port que des bateaux de pêcheurs qui de toutes manières n'embarquent pas les femmes. Nous essayons donc de monter dans le plus long train minier du monde pour qu'il puisse nous avancer jusqu'à Boulanouar. On nous dit que le train ne s'arrête là bas que le jeudi. Nous continuons donc à vélo après notre 3ème échec pour arrêter un camion auprès de la police. Après avoir remonté les 40km de péninsule qui mènent à Nouadhbibou, nous arrivons en même temps que le train qui n'a pas voulu nous prendre (et qui reste en quai à Boulanouar pendant plus de 20min !).

Ici, tous les hommes portent le chech pour se protéger du soleil ainsi qu'un très large boubou ouvert sur la quasi intégralité des jambes. Lucia se fait avoir plusieurs fois car ici les hommes ne serrent pas la main aux femmes, de quoi se retrouver un peu bête quand on tend la main et que pour toute réponse on nous dit "euh, non merci !"

Les paysages des jours suivants sont magnifiques : nous pédalons entre les dunes orangées et les troupeaux de chameaux. Nous sommes surprises de constater que la zone est plus habitée qu'au Sahara Occidental. Peu de villages sont fixes mais on croise régulièrement des campements de grandes tentes blanches. Nous nous y arrêtons un soir et passons la soirée en famille. On nous apporte du lait de chamelle tout frais et nous organisons une projection du cin'énergie. Les enfants sont ravis et les hommes tentent de comprendre comment fonctionne le système de production d'électricité. On nous offre ensuite les trois thés de bienvenue. La coutume du thé est de plus en plus longue et compliquée au fur et à mesure de notre descente vers le sud. Quant au goût, il est maintenant très différent du thé à la menthe du nord du Maroc.

Cadavre non identifié
Sur la route, nous nous arrêtons souvent pour discuter avec les gens qui nous font part de leur tristesse quant à la mauvaise réputation de leur pays: Depuis 2009, date de l'enlèvement de 3 espagnols sur la route entre Nouadhibou et Nouakchott, les touristes ont désertés la zone et les campings cars qui descendaient auparavant jusqu'au Sénégal s'arrêtent maintenant au Maroc. Ils n'en croisent désormais qu'une quarantaine par an...

Au bord du chemin, nous croisons bon nombre de cadavres : chameaux, vaches, voitures, chèvres...
Vent de sable
Vent mauritanien

Le vent reste un élément très important sur la route entre Nouadhibou et Nouakchott. Très changeant, il nous en fait baver ou ils nous pousse toute la journée. Par chance, nous l'avons de dos pendant deux jours consécutifs. Ce qui nous permet d'arriver plus vite que prévu à Nouakchott où nous serons reçues cet après midi par Ibrahima travaillant auprès de l'association que nous avons contactée en Mauritanie. Tournage en prévision !



Tout d’abord, un grand merci à vous tous qui votez pour nous et de tous vos mails de soutien qui nous font bien plaisir !

Nouakchott
Nous avons passé quatre jours fort sympathiques à Nouakchott dans la famille de Ibrahima. Nous avions contacté Ibrahima une dizaine de jours auparavant car il travaille pour l’ONG Banlieues du Monde Mauritanie dont il est le fondateur. Parmi toutes ses actions, l’ONG travaille notamment pour la promotion d’une pompe à pédales servant à l’irrigation, d’un foyer amélioré pour la cuisine et d’un séchoir de fruits, légumes et poissons. Ces projets nous intéressant, nous lui avons proposé de réaliser un court métrage sur leurs actions.

Ibrahima vient donc nous chercher à l’entrée de la ville et nous suivons sa voiture jusque chez lui. Nouakchott est un véritable capharnaüm , des épaves de voitures dans tous les sens qui doublent à gauche comme à droite les carrioles à âne perdues au milieu du trafic. Aucune règle de circulation n’est respectée et au final, nous ne sommes pas malheureuses d’être à vélo : sur le trajet, le 4x4 d’Ibrahima se fait rayer deux fois ! Nous retournons le lendemain pour faire des images de ce fouillis urbain qui nous change tant, après trois semaines passées dans le désert.

Avec les enfants d'Ibrahima
Ibrahima habite dans une très grande maison en périphérie. Il est père de 5 enfants mais a bon nombre de neveux et nièces à sa charge. En effet, étant donné qu’il est originaire d’une famille rurale dans le sud de la Mauritanie, certains de ses 11 frères et soeurs lui confient leurs enfants pour les scolariser à la capitale. Chose tout à fait naturelle dans une famille africaine : la famille, c’est la grande famille, tout le monde est ensemble. Ibrahima nous raconte par exemple qu’il a été élevé jusqu’à l’âge de 10 ans par sa tante car le frère aîné de son père n’avait pas encore d’enfant. Toujours est il que nous mettons quatre jours à distinguer qui sont les enfants biologiques étant donné que tout le monde appelle Ibrahima papa !
Une partie de la famille
Ibrahima est d’origine peul et nous explique qu’en Mauritanie, se côtoie une population très diverse : les Maures tout droit venus du Sahara occidental, les Haratins, anciens esclaves des Maures, les Peuls mais aussi des Soninkés et bon nombre d’autres ethnies. Entre eux, l’entente est cordiale mais ils ne se mélangent pas, les mariages mixtes sont des “accidents de parcours”. La religion musulmane les réunit tous.

Etant donné que les Peuls sont aussi très présents  au Sénégal, nous goutons des spécialités communes aux deux pays : le mafé (riz et viande de mouton accompagné d’une sauce à base d’arachide), couscous, thiéboudienne (riz et poisson, plat national au Sénégal). Les cuisinières (deux nièces) sont expertes et chaque plat est un véritable délice… Nous mangeons toujours avec les hommes alors que les femmes mangent avec les enfants. Tous ensemble assis par terre, à la main ou à la cuillère dans un grand plat. A tous les repas, nous sommes étonnées de manger avec au moins un monsieur différent : que ce soit le prof particulier des enfants, le chauffeur, etc… cette maison est une véritable plaque tournante et tout le monde est invité à manger, preuve de la grande générosité d’Ibrahima.

Ce dernier nous fascine beaucoup : il a longtemps étudié à l’étranger et aurait pu rester y travailler sans problème, mais il a toujours voulu rentrer en Mauritanie, convaincu de pouvoir faire avancer les choses dans son propre pays.

tournage à Nouakchott
Le tournage des différentes activités se passe bien et nous réalisons environ 6 interviews, en peul pour la plupart. Ibrahima nous aide à la traduction, quand ce n’est pas toute la famille qui s’y met ! Nous ferons le montage sur le bateau entre le Sénégal et le Brésil pour profiter au maximum du petit mois qu’il nous reste sur la terre ferme. Le dernier soir, nous réalisons une projection avec tous les enfants de la famille. Une fois de plus, ils sont tout contents de pédaler à tour de rôle et c’est pour nous une bonne façon de dire merci à tout le monde.

Nous profitons de notre passage à Nouakchott pour faire les visas du Sénégal. Une nouvelle formalité (il n’y a même pas deux ans, personne n’avait besoin de visa pour entrer au Sénégal) qui malgré son apparence très “pro”  n’est en fait qu’une grosse blague pour gagner un peu de sous. Il faut en effet réaliser un pré enrôlement sur internet en présentant une copie du passeport, de la réservation d’hôtel et du billet d’avion. N’ayant ni l’un ni l’autre de deux derniers items, nous demandons conseils à l’ambassade qui nous dit : “la réservation d’hôtel et le billet d’avion, c’est pas la peine, ne les mettez pas et insistez sur le site internet, ça va passer…” De là, nous nous rendons compte qu’à la place de la photo de notre passeport, on aurait pu mettre une photo de mamie en maillot de bain, on aurait eu notre visa quand même, tant que l’on paye les 50 euros…
 
Après ces quatre jours bien remplis, nous continuons notre route vers le Sénégal. Les paysages n’ont rien à voir avec les dunes que nous promettait la carte Michelin. La route est parsemée de petits villages et de tentes. Là encore, les gendarmes sont là pour nous aider et nous passons la nuit à côté de leur poste.
 
En Mauritanie, nous sommes surprises de ne pas trouver tant de sacs plastique jetés partout. Nous nous renseignons et apprenons que contrairement à ses voisins marocains et sénégalais, le gouvernement mauritanien a officiellement interdit la distribution de sacs plastiques dans les magasins. Cette règle est plutôt bien respectée et l’on nous propose toujours des sacs en papier ou en tissus.
le bitume en coquillages

Autre filière locale intéressante : celle des coquillages qui servent partout dans le BTP, pour construire les routes et les maisons, les coquillages sont la matière première principale !

Nous nous posons la question de quelle frontière prendre : A l’est, la frontière de Rosso dont la réputation est exécrable et à l’ouest la frontière de Diama, plus tranquille mais pas goudronnée jusqu’au bout. Nous optons pour Rosso où il serait bien que nous filmions une pompe à pédales avant de passer au Sénégal.

N’ayant plus assez d’Ouguyas pour payer l’hôtel, nous optons pour une nuit au commissariat de police. On nous dit de continuer tout droit pour le trouver. Nous arrivons à une énorme porte métallique et tout de suite 4 ou 5 personnes nous tombent dessus pour faire des photocopies de passeport. Le gendarme à la porte nous confirme : la photocopie est obligatoire, il nous gueule dessus, bienvenues à la frontière. Nous finissons par trouver le commissariat en centre ville. Après être passées demander l’autorisation du chef suprême de la police, nous obtenons l’autorisation de planter la tente dans la cour du commissariat. Le lendemain, après avoir filmé l’unique pompe à pédales de Rosso, malheureusement hors d’usage, nos amis policier nous proposent de nous escorter jusqu’au bac (la frontière Mauritanie/Sénégal est formée du fleuve Sénégal qu’il faut traverser en bateau). Nous acceptons la proposition de bon coeur : ce qui nous aurait pris toutes seules deux bonnes heures, ne nous prend qu’un quart d’heure : les portes métalliques s’ouvrent toutes seules, pas besoin de photocopies qui ne servent qu’à faire payer les étrangers, le policier a un effet d’anti moustiques, personne ne nous saute dessus pour nous proposer ses “services”, il nous fait le tampon en 5 minutes et nous évite même de payer de faux billets de bac. Il nous laisse sur le ferry en nous souhaitant bonne chance pour le deuxième round.